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Véhicules sur pellicule

 

Ford Mustang – collection personnelle

 

En voiture !  

Moteur demandé …  Ça tourne … Action !

Si leur histoire commune est récente, leur industrie s’est développée au XXè siècle, voiture et cinéma ont toujours fait bon ménage. Moyen de transport, invitation au voyage réel ou imaginaire, ces deux véhicules vont de pair.

La guenon et son petit. Picasso. (Paris Grand Palais mai 2017). Photo personnelle

 

 

 

 

 

L’ère automobile correspond à celle de l’image et chacune se nourrit de l’autre. De par son étymologie synonyme de liberté, l’automobile est pour beaucoup un signe extérieur de puissance et de réussite, un marqueur social qui caractérise son propriétaire. En ce sens elle est plus qu’un accessoire, elle est un attribut, un prolongement de l’homme moderne qui tend à faire corps avec sa machine, alimentant le fantasme d’une possible mutation vers l’animal hybride imaginé par Picasso ou plus récemment les robots de Daft Punk.

 

 

 

Il est logique de la retrouver au centre des histoires sur les écrans de cinéma. Elément de décor ou de narration, personnage secondaire ou sujet principal du film, la voiture fait partie intégrante de tout récit contemporain mais s’invite par ailleurs à toutes les époques, passées ou futures, jouant  parfois l’anachronisme. Elle est la Batmobile de Batman ou la DeLorean dans Retour vers le Futur. Elle est aussi la 4L jaune de la Poste dans Les Visiteurs, objet non identifié pour les deux voyageurs tout juste arrivés d’un autre âge mais indicateur temporel évident pour le spectateur. 

 

Essentielle autant qu’une garde-robe dans la panoplie du personnage, elle est l’Aston Martin de James Bond ou la BMW 528i de Mesrine, la Mini de Mr Bean ou la 2CV de Bourvil dans Le Corniaud. Héroïne, seule ou en duo, elle est la Volkswagen des aventures de Coccinelle, la Chevrolet Camaro de Cars, la Plymouth de Christine, la Ford Falcon de Mad Max, la Chevrolet Malibu de Drive ou la Peugeot 406 de la saga Taxi. Les poursuites et les cascades automobiles procurent des scènes spectaculaires incontournables dans les films d’action et des œuvres telles que Bullit, Les Blues Brothers, Duel (Spielberg), Ronin, Fast and Furious, Le Transporteur, sont désormais des classiques du genre.

Deux ex Machina

Même lorsqu’elle n’a pas le premier rôle, l’automobile sert de ressort à l’intrigue. Le coup de la panne, par exemple, qu’elle soit volontaire ou accidentelle, est un artifice qui permet une rupture dans le récit pour créer une situation de tension dramatique, romantique ou comique. En effet c’est toujours au moment crucial où le personnage tente de fuir un danger imminent, que sa voiture refuse de démarrer.

Dans U-Turn (1997) d’Oliver Stone, Bobby Cooper, interprété par Sean Penn, est un braqueur en cavale qui tombe en panne dans un village perdu d’Arizona. Le garagiste à qui il confie sa Mustang rouge est des plus inquiétants et le délai de réparation totalement flou. D’heure en heure, l’espoir de récupérer sa voiture pour reprendre la route s’amenuise et l’attente vire au cauchemar, à la malédiction, dans un univers hostile où les mauvaises rencontres s’accumulent.

Côté parodie, Read si Dead est un film dans le film La Cité de la Peur (1994), réalisé par les Nuls. Dans le pastiche d’une scène d’épouvante, Dominique Farrugia, poursuivi par un tueur en série, est en panique devant la portière de sa voiture et cherche frénétiquement dans sa poche avant d’en sortir toutes sortes de clés incongrues et inutiles pour finalement s’installer au volant … d’un cabriolet toit ouvert !

Côté romance, l’automobile, objet de désir, est un moyen de rencontre et un lieu propice aux rapports intimes. Dans le cinéma américain en particulier elle est l’outil de drague indispensable pour un un rendez-vous amoureux dans un drive-in ou ailleurs, à condition de ne pas oublier le test de la portière comme il est conseillé dans Bronx Tale (1993) de Robert De Niro.

Toutefois, en matière de séduction, la panne ou l’accident de parcours n’ont pas toujours le résultat escompté.

Dans Mensonges et Trahisons et plus si affinités (2004), le jeune Édouard Baer, au volant de la Renault 25 empruntée à son père, conduit en soirée la belle Alice Taglioni qu’il voudrait séduire. Une rencontre inopinée avec un sanglier vient sérieusement contrarier ses projets.

On ne sait jamais jamais qui l’on va croiser sur sa route ni qui s’invite à la place du passager.

Pour Bourvil, toujours dans Le Corniaud (1965), c’est une belle auto-stoppeuse qui agrémente une partie de son voyage. Mais en d’autres occasions une aire d’autoroute peut se révéler un Drôle d’endroit pour une rencontre (1988),  et il y a les clients qu’un chauffeur de taxi regrette d’avoir embarqué surtout quand il s’agit de Tom Cruise, tueur professionnel dans Collatéral (2004).

Dans Flic ou Voyou (1979), Jean-Paul Belmondo emprunte un véhicule auto-école et emmène Philippe Castelli, l’examinateur, dans une course d’anthologie.

En mode réel, qu’elle soit à l’arrêt ou en mouvement, la voiture offre un espace de vie à ma connaissance sans équivalent à ce jour, qui amène ses occupants à coexister d’une manière particulière, quels que soient les liens qui les unissent, couple, famille, amis, relations professionnelles ou parfaits inconnus.

Au quotidien c’est autant de situations récurrentes, de figures rituelles dont le cinéma s’inspire et qu’il s’évertue à nous restituer.

Mettez deux personnes dans une voiture et ça suffit pour démarrer une histoire.

On imagine des policiers en planque ou patrouillant dans une ville. Homme ou femme, duo mixte ou de même sexe, indépendamment de leurs affinités, ils ont de longues heures à passer ensemble, du temps à tuer comme ils peuvent à coup de cafés, de sandwichs et de cigarettes. Des temps de silence ou de dialogues improvisés dans un jargon de métier qui les réunit, des anecdotes de travail, des blagues faciles, des confidences parfois.

Avoir ou à revoir Les Ripoux (1984) Philippe Noiret / Thierry Lhermitte, l’Arme Fatale (1987) Mel Gibson / Danny Glover, Men in Black (1997) Tommy Lee Jones / Will Smith, Une Nuit (2012) Roschdy Zem / Sara Forestier.

Là c’est une autre voiture garée devant la porte d’un immeuble.

A l’intérieur ce sont deux personnes encore en chemin, dans une relation naissante. L’une a reconduit l’autre à son domicile et au moment de prendre congé, espère un baiser ou une invitation à continuer ensemble. Une portière qui s’ouvre et c’est un destin qui bascule.

Ailleurs c’est un couple qui rentre d’un dîner chez des amis ou revient d’un spectacle, satisfait ou mécontent, et commente la soirée passée. Le temps du trajet de retour est une sorte de sas, une transition, un fondu enchaîné où l’instant vécu se prolonge encore avant de céder la place au souvenir et à l’intimité retrouvée.

Exemple avec Romy Schneider et Yves Montand dans cet extrait de César et Rosalie (1972) de Claude Sautet.

 

C’est l’intérieur d’un taxi où clients et chauffeurs partagent le temps d’une course le cadre anonyme de l’habitacle, libres de s’ignorer ou d’échanger selon l’envie et la curiosité de chacun, à minima quelques amabilités, un regard dans le rétroviseur,  une conversion au téléphone dont l’autre profite malgré lui. 

Voici une scène de convivialité dans un taxi parisien  tirée du film Comme une image  (2003) d’Agnès Jaoui, avec Jean-Pierre Bacri toujours excellent dans le registre.

 

 

A l’extérieur c’est un ballet incessant, un chaos formidable et parfois poétique , comme la chorégraphie de Jacques Tati dans Playtime(1967), ou la chanson de Joe Dassin : « Y’a du soleil Bip ! Bip ! »

D’autres y perdent leurs nerfs comme Michael Douglas dans Chute Libre (1993) ou Francis Perrin face à Vincent Lindon dans La Belle Verte (1996).

Zoom arrière : on prend de l’altitude afin de contempler à distance le spectacle vertigineux de la ville engorgée par les automobilistes, innombrables, omniprésents, qui se croisent et s’entrecroisent, changeant de direction à un rythme saccadé tels des fourmis mécaniques. 

Un time-lapse utilisé en plan de coupe nous sert de transition pour quitter le milieu urbain et et passer en mode croisière.

Le temps du voyage est un temps particulier, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un trajet automobile. Par opposition à d’autres moyens de transport, le train ou l’avion, l’habitacle d’une voiture est un espace de liberté et de confidentialité et, sauf éléments extérieurs, embouteillage, panne, accident ou météo défavorable, l’automobiliste est maître de son itinéraire. 

Tout déplacement, même le plus élémentaire, constitue une action qui à elle seule justifie son récit et peut faire l’objet d’un plan séquence. Dans les  jeux vidéo de course automobile,  il est possible de varier les points de vue en choisissant les emplacements et les axes de caméra : à l’extérieur de la voiture en vue aérienne, à l’avant, sur le capot ou au niveau du sol, à la place du conducteur,  en mode multiple avec une vue arrière depuis le rétroviseur, etc… En l’absence de dialogue, la bande son peut se résumer au bruitage issu des rugissements du moteur et des crissements de pneus, ou alors s’accompagner d’un support musical. 

A l’intérieur d’un véhicule, chauffeurs et passagers, assis côte à côte, face à la route, sont à la fois statiques et en mouvement, passifs et actifs, semblables en somme à des spectateurs devant un écran de cinéma. 

Aussi c’est sans doute le genre du « road-movie » qui a su au mieux saisir la magie de ce cadre en jouant avec les unités de temps et de lieu pour créer le huis-clos itinérant comme dans Les Valseuses (1974), Quand Harry rencontre Sally (1989),  Sailor et Lula (1990), Thelma et Louise (1991) ou encore Liitle Miss Sunshine (2006) .

DÉFENSE DE PARLER AU CHAUFFEUR.

Contrairement à cette consigne qui s’applique généralement aux conducteurs d’autocar, la conversation en voiture est possible mais pas systématique.

Dans Fargo (1996), Steve Buscemi s’ennuie au volant sur une route du Minnesota par une nuit d’hiver et se désespère du mutisme de son passager taciturne.

Dans Tandem (1987), Jean Rochefort est Michel Mortez un animateur d’un jeu radiophonique qui sillonne les routes de France accompagné de son assistant joué par Gérard Jugnot

 

Dans Radiostars (2012), c’est une autre équipe de radio qui parcourt la France en autocar cette fois.

ATTENTION !

L’attention du spectateur correspond à celle du conducteur. La durée moyenne d’un film long-métrage est d’environ deux heures. Et toutes les deux heures sur l’autoroute une pause s’impose. Ceci est un message de la Sécurité Routière.

 

Quoiqu’il en soit nous sommes arrivés, je l’espère sans trop d’encombres,  à Cannes, destination de ce voyage, où je saisis l’occasion de décerner quelques palmes. Qui dit Cannes dit festival du film et défilé de stars en limousine. C’est à bord d’une Renault Safrane que Les Nuls nous convient. Cette parodie de publicité extraite de La Cité de la Peur ainsi que la scène de poursuite à pied sur la Croisette méritent bien l’hommage rendu à cette comédie lors de la dernière édition du festival en célébrant par une nouvelle projection le 25ème anniversaire de sa sortie en salle.

L’édition 2019 a par ailleurs attribué une palme d’or d’honneur à Alain Delon pour l’ensemble de sa carrière. A la ville comme à l’écran, il a beaucoup aimé les Italiennes : Alfa Roméo, Lancia ou Ferrari. L’une de ses ex, une 250 GT spider est célèbre pour son prix de vente record atteint dans une vente aux enchères. Ma préférence va pourtant à une allemande, la Mercedes 280 SE cabriolet dans le film Les Aventuriers (1967) pour lequel il interprète la chanson « Laetitia ».

Côté US, Quentin Tarantino a reçu la Palme d’Or en 1994 pour Pulp Fiction. Le film regorge de scènes et de répliques cultes liées à l’automobile. Au restaurant le  » Jack Rabbit Slim », Uma Thurman et John Travolta dinent assis dans les sièges d’une américaine des années cinquante. « I shot marvin in the face! » : à cause d’une bosse sur la route et un coup de feu accidentel qui atteint la tête du pauvre Marvin, Vincent et Jules sont contraints de trouver un endroit discret pour procéder à un nettoyage méticuleux de l’auto et effacer toute trace du carnage et finissent en caleçon dans le jardin pour une douche au jet d’eau : le fantasme du car-wash à la sauce Tarantino.  On retrouve J. Travolta et Samuel L.Jackson dans une autre scène mythique en train de discuter de hamburgers et de système métrique.

Egalement à l’honneur cette année à Cannes, Claude Lelouch est venu présenter Les plus Belles Années d’une Vie, suite de Un Homme et une Femme, Palme d’Or 1966, célèbre pour la musique de Francis Lai (Chabadabada) et la Ford Mustang portant le numéro 184 qui débarque sur la plage à Deauville. Grand fan de voiture, Claude Lelouch a aussi réalisé C’Etait un Rendez-Vous (1976), un court-métrage filmé en plan séquence dans les rues de paris sans aucune autorisation. Seul le bruit de moteur de voiture de course a été ajouté en post-synchronisation pour remplacer celui de la  Mercedes utilisée.

Pour finir, mention spéciale au film Rush (2013) qui retrace l’histoire et la rivalité de deux grands pilotes de Formule 1, James Hunt et Niki Lauda, ce dernier étant décédé le 20 mai 2019.

 

 

 

 

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Auteur·e

dunil

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