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Confinement vôtre (face A)

Emoji masqué, via Wikimedia Commons cc.

Love’s a stranger until I see you again.

WARHAUS

Confinement

De même que la menace d’un virus inconnu a brusquement surgi dans nos vies au début de cette année 2020, le mot « confinement », jusqu’alors peu fréquent, a fait irruption dans notre vocabulaire pour s’installer aux premières places de nos discussions quotidiennes. 

Faut-il en avoir peur ?

Selon le sens qu’on lui donne, il peut vouloir dire emprisonnement, exclusion, limite ou extrémité, frontière ou horizon. Il exprime aussi le voisinage, la proximité quand il est synonyme de jouxter.Imposé, il sera plus vraisemblablement ressenti et subi comme un isolement. Solitaire, il devient solidaire et salutaire pour peu qu’il soit consenti, libre, volontaire : l’isolation comme protection. 

Patients

Quelques semaines auront suffi pour qu’un ennemi invisible instauré maître du jeu distribue de nouvelles cartes, modifiant nos unités de temps et de lieu et bouleversant le champ de nos connaissances. Confrontés à cette guerre d’un genre inédit nous sommes tous devenus des « patients ».

Aux armes citoyens, armons-nous de patience !

Les patients, ce sont avant tout les victimes, les malades hospitalisés sévèrement affectés par le virus. Ce sont tous les personnels mobilisés qui ne comptent pas leurs heures pour pallier la surcharge de travail et le manque d’effectif, les soldats du front que sont tous les personnels liés aux service de santé, de sécurité, les services de voirie, tous les services publics, les fournisseurs d’énergie, de téléphone, les commerçants de première nécessité, etc…

C’est aussi tout le reste de la population immobilisée, réfugiée, qui, dans sa grande majorité, se soumettant de bonne grâce aux consignes sanitaires, est entrée dans une forme de résistance passive mais raisonnée, chacun renonçant à son activité habituelle au prix souvent de sacrifices financiers considérables. Cette obéissance, cette confiance faite aux  autorités politiques et médicales constituent un acte courageux et utile qui contribue sensiblement à la victoire des forces en action, de la part de ceux, les réservistes, qui se préparent à assurer la relève à l’issue de la crise.

( « Dans toute guerre, la première victime est la vérité ». Les inévitables polémiques et autres thèses complotistes qui déjà couvent, la recherche du « patient zéro » désigné coupable, engendrent des divisions inutiles face un virus qui lui n’a pas d’états d’âmes. )

Soldat inconnu

Rendons plutôt hommage au soldat inconnu, en l’occurrence cet anonyme à l’origine des applaudissements qui retentissent aux fenêtres chaque soir à 20 heures comme autant d’encouragements et de remerciements destinés à tous ceux qui le méritent : aux hommes et aux femmes en lutte directe avec le fléau, bien sûr, et tout autant aux familles confinées, privées de leur travail et de liens sociaux, qui témoignent ainsi de leur présence effective et bienveillante. Il s’agit bel et bien d’un combat commun mené collectivement. 

Gardons plus que jamais à l’esprit la devise de la France « Liberté, égalité, fraternité » ainsi que cette phrase de Jean-Paul Sartre :

« Un homme fait de tous les hommes qui les vaut tous et que vaut n’importe qui. »

Rencontres à distance

Au final, chacun aura vécu la réalité du confinement à sa manière, dans des conditions certes différentes, mais à la mesure de ses moyens et de ses obligations, en s’adaptant au mieux à cette situation originale, cette vie entre parenthèses, dans laquelle, paradoxalement, la distanciation sociale ou physique n’exclut pas totalement les rencontres.

Alors que parfois, chose étrange, nous nous trouvons éloignés de nos proches, les moyens de  télécommunication à notre disposition nous permettent de garder le contact, de leur parler et même de les voir à travers nos écrans. 

On peut se tenir informé par le biais de la télévision ou d’internet qui parfois redevient lieu d’échange et de réunion autour d’idées nouvelles et d’initiatives d’entraide fédératrices.   

On imagine un regain d’affluence sur les applications Meetic, Once, ou Tinder… L’objectif des célibataires en quête de matchs est d’obtenir un rendez-vous physique à l’issue de la crise. Mais un nouvel élément risque de perturber l’éventuel tête à tête : le port du masque.

« …qui briserait l’instant fragile d’une rencontre. »

Une pensée pour le chanteur Christophe qui vient de nous quitter. (extrait de la chanson ‘Les Mots Bleus’)

Les rares sorties autorisées pour faire ses courses ou promener son chien, donnent l’occasion de croiser des inconnus qu’on se surprend à saluer en raison des circonstances, d’une manière presque naturelle comme elle se pratique en général sur les îles. Tous n’y répondent pas, loin s’en faut. Certains vous fuient comme un pestiféré et préfèrent marcher au milieu de la route. Ces incurables ont au moins le mérite de vous laisser la jouissance exclusive du trottoir !

A défaut de se déplacer, le seul moyen de s’échapper reste donc d’ouvrir les fenêtres. 

Fenêtres

Collection personnelle.

Pour ma part, la compagnie de mes poissons rouges, depuis toujours habitués au confinement de leur bocal, me fait relativiser l’infortune du moment.

De plus le métier de chauffeur m’a appris à rester reclus des journées entières dans l’espace clos d’une voiture, à endurer des attentes parfois interminables : une véritable école de la patience. Des heures mises à profit pour écouter des émissions radio, de la musique, écrire …

Pour m’évader, j’ai le choix d’ouvrir des livres. Ces fenêtres sur l’imaginaire permettent de voyager à la rencontre des mots.

Je veux profiter de ce temps imposé pour reprendre la lecture d’ouvrages que j’avais abandonnée en cours de route.

Je relis Sylvain Tesson, Une très légère oscillation, dans lequel il cite cette phrase extraite de Gatsby de Fitzgerald :

« Après tout, pour observer la vie sous le meilleur des angles, mieux vaut rester à la même fenêtre. »

J’ai envie de revoir Uranus. Dans ce film de Claude Berri, d’après le livre de Marcel Aymé, Philippe Noiret joue le rôle d’un instituteur, le professeur Watrin, privé d’école à la suite de son bombardement pendant la guerre 1939-1945. À la libération, il se retrouve contraint pour donner ses cours d’improviser une salle de classe dans le bistrot du village tenu par Léopold (Gérard Depardieu), qui, à la faveur de ces évènements,, découvre le texte d’Andromaque et l’amour de la poésie. 

Retrouvailles

Ailleurs, dans Ciseaux, Stéphane Michaka m’offre un mot merveilleux : « Mamihlapinatapei ». En provenance de la Terre de Feu, il signifie : « Chacun regarde l’autre dans les yeux en espérant qu’il va initier ce dont chacun a envie mais que nul n’ose faire le premier. » Sans équivalent dans aucune autre langue, il me semble coller parfaitement à la complexité du désarroi actuel. Bien qu’il exprime l’incommunicabilité des êtres unis pourtant par un même désir, il n’en est pas moins empli d’espoir. En faisant des recherches, je suis tombé sur une liste de mots semblables, des mots rares qui n’existent que dans leur langue natale.

En français il y a « retrouvailles ».

De ces liens passagers que l’on goûte à demi,

Le meilleur qui nous reste est un ancien ami.

On se brouille, on se fuit. — Qu’un Hasard nous rassemble,

On s’approche, on sourit, la main touche la main,

Et nous nous souvenons que nous marchions ensemble,

Que l’âme est immortelle, et qu’hier est demain.

Alfred de Musset. (Sonnet à M. Victor Hugo)

Je veux croire qu’une fois passé le temps d’une séparation nécessaire, nous apprécierons d’autant mieux le plaisir d’aller et venir librement, plus grande sera la joie de revoir nos parents et amis.

Et comme le chante Françoise Hardy ( femme française hardie s’il en est ) dans sa chanson d’adieu “ Tant de jolies choses“ : 

Même si je veille d’une autre rive

Quoique tu fasses, quoiqu’il t’arrive 

Je serai avec toi comme autrefois

Même si tu pars à la dérive

L’état de grâce, les forces vives

Reviendront plus vite que tu ne crois

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Auteur·e

dunil

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