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Au faîte... du bruit !

Silence, via Pixabay CC.

Silence ! on tourne sur la Terre

Bruits de Moteur ! dans l’atmosphère

Au fait… le silence sur la Terre n’existe pas. La nature ayant horreur du vide, elle produit en permanence toutes sortes de sons, bruits ou musiques.

«  Les chants de la Nature jamais ne lâchent,

Ses exécutants ne sollicitent aucune relâche.

Dans les prés alentour, sur les coteaux lointains

Serviteurs zélés sont ses musiciens :

De l’eau du ruisseau, de l’arbre des forêts

S’élève une douce mélodie à jamais,

La musique se mélange au vent

— universel instrument. » 

Simeon Pease Cheney 

(La Musique des Oiseaux)

Leur intensité varie selon une très large gamme.

Du battement d’ailes d’un papillon au chant d’une baleine, au barrissement d’un éléphant, du clapotis d’un ruisseau au souffle du vent dans les arbres, au grondement du tonnerre, du claquement des sabots d’un cheval au galop à l’éruption d’un volcan; les éléments, les animaux, les végétaux, tous participent à leur niveau à entretenir un joyeux vacarme, une cacophonie sublime ou effrayante.

Si certaines vibrations sont inaudibles pour l’homme, dont le champ d’audition varie sur une échelle de 0 à 140 db, d’autres sont d’une puissance telle qu’elles représentent pour lui un danger mortel. La « tiger pistol shrimp », crevette pistolet mesurant seulement 5 cm, est armée pour créer, d’un claquement de pince, des bulles d’air qui explosent dans l’eau et créent une onde sonore évaluée à 200 db, dans un rapport de grandeur à taille humaine. Deux scientifiques, Philip Currie et Nathan Myhrvold, ont émis l’hypothèse (source : Sciences & Avenir) que le mouvement de la queue d’un apatosaure, un dinosaure de l’ère jurassique, pouvait avoir une vitesse supérieure à celle du son et provoquer un claquement de + 200db. L’éruption du volcan indonésien Tambora en 1815 détient à ce jour le record absolu avec un niveau estimé à 320 db.

Comment échapper au bruit ? Celui qui aspire au calme aura beau tenter de se réfugier à la campagne ou dans le désert, il y aura toujours, pour parasite, un coq qui chante, un chien qui aboie, un coyote qui hurle.

Peut-on accéder au silence absolu ?

« Y’en a qu’ont essayé ils ont eu des problèmes. » dixit le comique (Régis Laspalès)

https://youtu.be/gNI9a-K1JoU

Il est possible de s’en approcher de manière artificielle.

Dans les chambres anéchoïques acoustiques ou chambres sourdes, on recrée un silence relatif en bloquant 99,99% des bruits extérieurs pour atteindre un niveau sonore inférieur à 10 db.

Les expériences qui y ont été menées ont montré que l’homme est incapable de résister à un tel environnement au risque de devenir fou. Il se retrouve très rapidement sujet à des hallucinations auditives et souffre d’entendre de manière amplifiée tous les sons générés par son propre corps.

Ce silence extrême constitue peut-être l’expérience ultime de la solitude, une vérité effrayante, insupportable, que l’homme cherche à fuir à tout prix. Au singulier, la vérité n’existe pas. « La vérité commence à deux » a écrit Nietzsche.

D’où ce besoin d’affirmer sa présence et son existence de manière sonore, dès le premier cri de la naissance, en opposant le bruit de la vie au silence de la mort.

On peut le voir aussi positivement comme un appel lancé, un pas vers l’autre, un désir de communiquer, voire une parade dans un contexte de séduction.

Dès lors tous les moyens sont bons et l’homme s’est constitué pour ce faire tout un arsenal technologique.

JBL DSC, via Wikimedia CC.

Du plus rudimentaire au plus sophistiqué. Des percussions, de la simple flûte au synthétiseur et au studio d’enregistrement; en plus du chant et de la parole , l’homme s’est doté au fil des âges d’instruments de musique et d’outils pour maîtriser le son et même en franchir le mur. L’évolution technique lui permet peu à peu de le créer, le reproduire, le diffuser et surtout l’amplifier pour atteindre des niveaux sonores ahurissants.

A tel point que les salles de concert ou les festivals de musique en plein air sont tenus aujourd’hui de respecter une limite réglementaire de 102 dbA.

Mais qu’on se rassure, on peut toujours trouver plus bruyant : le décollage d’un avion ou celui d’une fusée, un feu d’artifice?

Un rassemblement de motards comme la bike week de Daytona et ses quelques 400 000 Harley Davidson peut s’avérer une bonne option.

Sinon au Vodafone Park d’Istanbul, le chant des supporters du club de football Besiktas JK a quant à lui  été enregistré à 140 db.

Plus simplement le quotidien en milieu urbain vous garantit à lui seul un niveau sonore suffisamment élevé, grâce notamment à la circulation automobile et au bruit des moteurs. Que les lois anti-bruit en vigueur dans les capitales ne découragent pas pour autant les motards et les rebelles dans l’âme, il est toujours facile d’équiper son deux-roues d’un pot d’échappement spécifique qui évite de passer inaperçu ! Reste à savoir si cela suffit à couvrir le bruit d’un marteau-piqueur, un incontournable des chantiers de voirie, qui demeure dans les villes un des maîtres en la matière.

C’est la loi du plus fort qui sévit et la première place est ardemment disputée. Les Klaxons et autres sirènes toujours en embuscade sont autant d’avertisseurs de danger ou lanceurs d’alertes dont le buzz doit ravir les oreilles d’Ernest Renan :

« L’harmonie de l’humanité résulte de la libre émission des notes les plus discordantes »

Quoiqu’il en soit le rapport au bruit varie selon les individus et ne dépend pas seulement du volume sonore. Un moustique peut causer plus de désagrément qu’un tir de chasseur lorsque la saison est ouverte. Chacun s’en accommode comme il peut.

 

La scène se passe dans le métro parisien. C’est un de ces jours où je suis physiquement, quelle qu’en soit la raison, fatigue ou autre,  particulièrement sensible aux éléments extérieurs et plus spécialement aux bruits. J’attends debout sur le quai. Le tumulte ordinaire de cette station souterraine m’oppresse. Les pas trop nombreux, trop empressés des voyageurs qui transitent, les annonces qui surgissent des haut-parleurs, accompagnées de quelques pauvres notes de musique insipides et inutiles, le grondement de la rame qui approche, le feulement des freins qu’on dirait à la peine pour la stopper et qui laissent échapper une sorte râle de soulagement une fois l’arrêt complet. Les portes des wagons s’ouvrent toutes simultanément avec toutefois un léger décalage et c’est autant de claquements métalliques comme une rafale irrégulière. Je monte dans un wagon. Pas de place assise disponible. Je m’agrippe à la barre centrale. De toute façon je descends dans cinq stations. Une sonnerie prévient de la fermeture automatique des portes. A nouveau les claquements métalliques. La voiture se met en mouvement. On entend le frottement des pneus contre les rails, de plus en plus aigu au fur et à mesure de l’accélération, le sifflement de l’air ainsi que les grincements et les craquements divers dus aux torsions et aux entrechoquements de la carcasse mécanique. Tous ces bruits forment un mélange confus. Les parois de l’étroit tunnel auxquelles ils se heurtent, les comprime et les répercute, abîmés et sales. Je regarde autour de moi, à l’intérieur de la voiture, les voyageurs qui semblent indifférents à ces considérations. Assis ou debout, ils ont trouvé un peu d’espace où se tenir et se concentrent les uns sur la lecture d’un journal ou d’un livre, les autres sur l’écran de leur téléphone. La plupart sont munis d’oreillettes ou de casques audio et écoutent de la musique. Personne ne se parle. Impossible. A moins de crier. C’est alors que je remarque, aux trois-quarts arrière sur ma gauche, calés contre la porte donnant sur la voie, un groupe de trois jeunes gens, deux hommes et une femme. Eux sont en pleine conversation. Ils communiquent en langue des signes ! Je suis happé par le spectacle de leurs gestes et leur étrange beauté, une chorégraphie aérienne qui contraste avec le rythme lourd de la scène sonore dans laquelle je suis relégué à un rôle passif. A cet instant j’envie leur univers. Je cesse de les regarder. Ça ne se fait pas de fixer les gens trop longtemps. Ça peut être mal perçu. Je repère à un autre endroit du wagon, assis l’un en face de l’autre sur une banquette à coté de la vitre, un jeune garçon et une dame âgée que j’imagine être sa grand-mère. Le garçon penché en avant tient un magazine roulé en cylindre, une extrémité placée devant sa bouche et l’autre tendue vers sa grand-mère qui s’est rapprochée pour y coller son oreille. Ils semblent tous deux très heureux de ce stratagème qui leur permet de se parler sur un mode original et ludique ! Cela fait ressurgir en moi un souvenir d’enfance à la campagne. Je me rappelle les hirondelles qui se regroupaient en grand nombre à l’automne avant leur migration, perchées en alignement sur les câbles et les poteaux électriques. J’étais intrigué du fait qu’elles ne craignaient pas le danger d’un choc électrique et j’aimais la manière dont elles prenaient possession d’un paysage crée par l’homme en l’embellissant de leur présence naturelle.

 

Le silence est-il une illusion ?

Partisans du bruit ou du silence s’opposent dans un combat d’une extrême à l’autre où chacun entend avoir raison. En ce qui concerne, par exemple, la solution des véhicules électriques, il me semble qu’aujourd’hui leur utilisation confère à leurs conducteurs un sentiment de sécurité et d’impunité. Comme si l’absence de pollution d’une part mais surtout le silence de fonctionnement octroyait une prééminence à l’égard des autres usagers de la route et minimisait la probabilité et la gravité d’un accident, vaguement envisageable sous la forme d’un ralenti cinématographique, une collision silencieuse et sans dégâts.

Je conclurai donc par un silence, celui nécessaire à  l’écrivain pour se concentrer, tout juste troublé, selon ses habitudes, par le crissement du crayon sur la feuille, ou le tapotement des doigts sur les touches du clavier d’ordinateur.

« Ils vont te demander ce que tu as voulu dire. Tu leur diras que ce que tu voulais dire, tu l’as dit dans ton livre. Et tu te tairas. Tout le reste est silence. » Jean d’Ormesson.

 

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Auteur·e

dunil

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