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2018 : Mise à Jour

Rétroviseur, via Pixabay CC.

 

Voici un texte que j’ai eu l’idée d’écrire début 2018 … et c’est déjà l’année dernière ! Que s’est-il passé ? Ce qui devait être un message de voeux prend la forme d’un bilan de l’année écoulée.

Au départ, l’inspiration m’est venue notamment de cette phrase que l’on attribue à André Malraux, écrivain et homme politique français du XXème siècle : «Le vingt-et-unième siècle sera spirituel ou ne sera pas.»

Quel sens, quelle portée peuvent avoir ces paroles aujourd’hui ?

Aujourd’hui ? Peut-être est-il bon de préciser, afin de replacer la citation dans son contexte, que le temps de référence choisi est le calendrier grégorien, utilisé en occident, par opposition à d’autres calendriers possibles : chinois, hébraïque ou musulman, par exemple.

Pour ma part, je suis né en 1968, et j’ai vécu toute ma jeunesse avec l’an 2000 pour horizon.

L’échéance du changement de siècle et, surtout, de millénaire, a alimenté chez bon nombre de mes contemporains toutes sortes de fantasmes et de peurs. Pour les uns synonyme d’apocalypse — pourtant même le grand bug informatique annoncé n’aura pas lieu–, promesse de modernité pour les autres, l’époque a produit son lot d’oeuvres de science-fiction ou d’anticipation, en littérature (La Nuit des Temps de René Barjavel ou encore Malevil de Robert Merle), au cinéma (la saga Star Wars), ou à la télévision avec des séries comme Star Trek, Cosmos 1999, K 2000

Le marketing a lui aussi largement utilisé le label 2000 pour donner une image futuriste à des marques comme Sport 2000, Optic 2000

Mouvement spirituel qui se décline également en musique, on découvre la mode du Zen et le concept New Age.

Mais quel âge avons-nous donc ? Ou devrais-je dire : à quel âge sommes-nous ?

Certains scientifiques comme l’astrophysicien Hubert Reeves considèrent qu’à l’échelle de l’histoire de l’univers et de la Terre, sur des milliards d’années, entre son origine supposée et sa fin annoncée, l’humanité pourrait avoir sept ans, soit l’âge de raison.Au vingtième siècle l’envoi des premiers satellites dans l’espace permet de recevoir les premières images de la Terre. Notre planète découvre son reflet dans le miroir : première prise de conscience ?

2018 fut l’année de mes cinquante ans, un demi-siècle comme on dit, mais aussi l’anniversaire de mai 1968.

Il peut-être intéressant de penser que la jeunesse qui participa à l’époque aux «événements» a désormais atteint l’âge de la retraite et est en train de passer la main.

A ma génération X ont succédé celle des millenials ou Y (Why ?), puis l’actuelle, génération Z des zappeurs ou slashers.

2018 : Les enfants nés en l’an 2000 accèdent à la majorité et au droit de vote. Ils constituent la relève citoyenne. C’est à eux que je pense en écrivant ces lignes, à qui je souhaite bonne chance et bon courage : dans ce monde à l’avenir incertain, quelle place encore pour un projet français ?

Liberté, égalité, fraternité : en version 2.0., ça donne des êtres tous connectés et condamnés à l’être en permanence, regroupés en communautés sous l’oeil inquisiteur et tout-puissant du Grand Frère en charge de les surveiller. Le monde sans fil a tissé sa toile. Malheur à celui qui quitte le réseau: nul ne peut se soustraire au rythme effréné des mises à jour obligatoires, sous peine d’obsolescence programmée. Sorte de supplice moderne, les boîtes mails, à l’inverse des tonneaux des Danaïdes, exigent d’être vidées sans cesse et menacent à tout moment de vous noyer sous un flot de courriers électroniques, de messages intrusifs de toutes sortes, dont certains sont porteurs de virus.

malware, via pixabay CC.

 

C’est d’un véritable traffic dont il s’agit, le plus important et le plus lucratif de tous.

D’un côté il y a les informations que l’on consomme à outrance. Doxa, paradoxa. Offerte ou vendue, proposée ou imposée, on trouve toute opinion et son contraire au royaume des complots et des fausses nouvelles, défini par cette règle d’or: tout ce qui est gratuit se paie plus cher.

De l’autre côté, il y a nos données personnelles, informations précieuses qui excitent les innombrables pillards en embuscade. On parle de doxing, phishing, hacking, etc…

La théorie du complot s’attaque à tous les sujets. Tout récemment, l’authenticité du record de longévité détenu par la française Jeanne Calment, doyenne de l’humanité, a été mise en doute. La thèse officielle de l’accident qui causa la disparition de la princesse de Galles Lady Di en 1997 oppose toujours les détracteurs. Et bien sûr, cinquante ans après les images du premier homme sur la Lune, on continue de douter de leur réalité.

UNES DE LA PRESSE FRANCAISE ET BRITTANIQUE APRES L ALUNISSAGE AMERICAIN DU 21 JUILLET 1969 . par Roland Godefroy, via Wikimedia commons CC.

Dès lors, et pour en revenir à la phrase de départ, on ne sera pas étonné que toute recherche à ce sujet puisse donner des résultats multiples et contradictoires.

A défaut d’en trouver trace dans son oeuvre écrite, il sera difficile d’établir si cette phrase a été prononcée telle quelle par André Malraux lui-même. Pour certains, dans la phrase originale, le terme spirituel doit être remplacé par religieux. Pour d’autres la phrase n’a jamais été prononcée sous cette forme. Comment s’y retrouver ? Le débat est sans fin et pourrait faire l’objet d’une thèse. Telle n’est pas mon intention. Nous savons que la phrase existe bel et bien, qu’elle est contemporaine d’André Malraux et, qu’il en soit l’auteur ou non, il la représente tout autant qu’elle peut le représenter. La question est ailleurs. C’est l’intention de la phrase qui m’interroge, pour ne pas dire sa prétention, dans sa manière d’affirmer un message qui se veut prophétique, une vision qui se pense universelle. Je ne peux m’empêcher d’y reconnaître l’expression d’un certain orgueil français que les plus mal intentionnés nommeront complexe de supériorité.

Simple manie ou vocation, les français s’attribuent volontiers le rôle de donneur de leçons. Dans son Bréviaire pour une jeunesse déracinée, Jean-Edern Hallier cite Thomas Mann à propos du socialisme à la française : « un amour résolu de l’humanité, intolérant, exclusif, fait d’une rhétorique malveillante, langoureuse et offensante, en ce qu’elle revendique pour son compte toute la morale du monde ».

Rien de nouveau sous le Soleil.  Ni sur la Lune ? A défaut d’y marcher, on marche sur la tête à Paris ou ailleurs. Prudence tout de même: un petit pas pour sur l’homme sur un trottoir parisien ne se traduit pas systématiquement par un grand pas pour l’humanité. Les jours de chance c’est sur une déjection canine que le pied gauche risque de finir sa course.

Mais c’est pourtant vrai qu’on marche à Paris et partout en France où même la république, cinquième du nom et 60 ans au compteur, est en marche.

Dans les circonstances dramatiques où le monde entier se retrouve, après les attentats de Charlie Hebdo, pour une marche solidaire le 11 janvier 2015,  comme dans les moments de liesse lorsque la France en bleu célèbre sa victoire en coupe du monde le 16 juillet 2018, les français descendent dans la rue pour manifester leur tristesse, leur joie ou leur colère. Novembre 2018, le mouvement national des gilets jaunes se propage sur tout le territoire, des rond-points aux centre villes, et perdure en 2019 : l’acte 14 est prévu pour samedi 16 février. Tout un symbole que ce vêtement de prévention routière dont la qualité première est de réfléchir.

contribution de tous Egalité. Mouvement des gilets jaunes, 19 Jan 2019 par Stefan Jaouen, via Wikimedia CC.

En même temps, la formule chère au président Emmanuel Macron définit plutôt bien l’époque et la génération actuelles. La génération Z est multiculturelle et cumule les compétences et les activités. A la fois dépendante des outils et des modes de communication high tech, taxée d’être individualiste, elle est toujours prompte à descendre dans la rue pour faire entendre sa voix et continue de se passionner pour un sport d’équipes qui s’affrontent autour d’un simple ballon.

Plus que jamais, majeure et vaccinée, elle revendique sa liberté de choix en même temps qu’elle exprime ses doutes et ses peurs nouvelles.

Plus que jamais il est question d’autonomie dans tous les sens du terme. Quand elle n’est pas au centre de conflits entre peuples pour le contrôle d’un territoire, elle s’affiche sur tous les écrans de smartphones ou d’ordinateurs, sur les tableaux de bord des automobiles qui elles-même tendent à s’émanciper de leurs conducteurs ou conductrices : ironie du sort, c’est le moment où les femmes saoudiennes accèdent enfin au permis de conduire.

De l’anthropocène à la robotcène, nous vivons une période de transition dite énergétique où la notion d’indépendance et de liberté risque sérieusement d’être remise en cause compte tenu du niveau des réserves naturelles de notre planète. De ce point de vue, le XXI ème siècle sera écologique ou ne sera pas.

Autre transition, autre bouleversement, 2018 fut pour moi comme pour beaucoup la première année de vie sans Johnny Hallyday. Lors de ses obsèques le 9 décembre 2017 à l’église de la Madeleine, devant une foule immense, Emmanuel Macron a parlé d’un « destin français ».

Que ce jeune belge décidant de prendre un nom de scène anglo-saxon soit allé chercher très loin le blues de l’âme noire américaine, le rock’n’roll de Nashville pour le faire aimer aux quatre coins du pays était hautement improbable. Et pourtant, c’est un destin français.

Nul doute qu’une partie de la France, celle des gilets jaunes en particulier, s’est trouvée orpheline d’une figure paternelle capable d’apporter, si ce n’est la réponse ou la solution, le réconfort nécessaire dans les moments difficiles. Pour l’anecdote et pour boucler la boucle, c’est aussi la voix « Optic 2000″qui s’éteint.

Enfin 2018 fut à titre personnel la dernière année de vie d’un père à qui je dédie ces mots.

 

 

 

 

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Auteur·e

dunil

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